Un silence circonspect, têtu et policé
s’assoit derrière chaque siège rouge
Sur la tablette vide la lampe se voudrait d’Orient
elle n’est que le prix calculé d’un billet
De moelleuses têtières accueillent bien lissés
des crânes bien peignés ou un peu nus
Le large fauteuil, un tiers au-dessus
des moyens fessiers, soutient pourtant
de maigres postérieurs et des jupes vintage
Pas d’enfants, ni de bruyants pique-niques
La gorge se racle délicatement
La miette se cueille comme un saint sacrement
le café se sirote au bar et non assis
Désormais réduit à deux classes
le train s‘essaie à un doux tri
entre énergumène criard, smartphone greffé
au creux des mains, bonne franquette
du saucisson à l‘ail et du camembert moisi
et amuse-bouche d’un chef gault-et-millauté
fondant au chocolat, crème yusu et citron vanillé
Le même paysage défile pourtant
les mêmes nuages potelés que le serf d’autrefois
regardait en trimant ainsi que son seigneur riant
du haut de ses tourelles
Assis en face de moi, l’homme qui
du coin de son œil avenant contemple
mon minois et mes grands yeux khôlés
sait-il derrière mon pull et mes talons lustrés
deviner l’oiseau noir, la galeuse brebis
échappée du troupeau avec sa blonde laine
l’impécunieuse créature que le hasard d’un logiciel
a propulsée dans un siège plus large que ses ambitions ?
S’il savait, le cher homme, sourirait-il autant ?
Le soleil de Paris salue timidement
le wagon où je tourne le dos obstinément
à ma destination finale
Mon cœur est resté accroché entre quatre tours
et une Seine dont le dos frileux à peine s’éveillait
quand je partis, portant ma peine