Parfois, je ne reconnais plus les gens que j’ai aimés
Au loin leurs costumes d’apparat aux revers argentés,
leurs grands pans de dentelle, noires ailes pliées,
dans le fleuve de Léthé tout doucement sombrent
Mais peut-être ma robe de laine et sans parures
mes talons encrassés de la poussière des rues
ma poitrine-chimère et mes longs bras tendus
participent-ils aussi de la même chimère
Si j’ai rêvé, qu’importe, le temps est mon ami
qui sourit de mes entêtements,
de mon dédain accru pour les choses faciles
de ma volonté prompte à se raidir, souvent
Parfois, je ne sais plus qui est l’autre moi-même
moi, dont le cœur luit à minuit sonnant
quand les oiseaux de nuit voyagent sans un bruit
et cueillent de leurs serres mes émois tremblants