Dans mon rêve, il y avait un grand homme qui courait
Le bruit de ses pas frappant le gravier du chemin faisait fuir
à l’instant, la moindre petite bête
Le parc et ses grands arbres semblaient assoupis
Les feuilles en tremblant se délivraient de la pluie
Moi, je marchais, calme et rapide, laissant un grand vide
envahir ma tête, un bien-être profond se saisir de moi
L’homme courait toujours, ses cercles autour de moi se faisaient
Plus rapides et je m’efforçai de l’oublier
Lorsque que passant tout près, il murmura « pourquoi ne cours-tu pas ?
Il faut avancer, il faut avancer »
Et derrière lui surgirent des ombres, connues ou inconnues, amies ou étrangères
Toutes courant, chacune dans les talons de l’autre et leur poitrine exhalant
un souffle court qui hachait l’air, leurs pas lourds tambourinaient sans trêve
Chacune en passant me disait « dans la vie, il faut avancer, avance, avance ! »
A la fin, ce chœur de voix se fit pressant « avance donc, va, va, va ! »
Et le martèlement sur le sol giflait le silence qui m’était heureux
Je m’arrêtai. Contre un tronc, j’adossai ma colonne indocile
C’était un grand arbre dur et penché dont seules les racines
couraient également.
Devenue noueuse, moussue, végétalisée, feuillue,
tandis que des oiseaux couraient sur mes bras
je profitai de mon immobilité
Le dernier des coureurs tenta alors de dépasser ceux
qui le précédaient ostensiblement et chacun accéléra sa marche
Il couraient vers le but ultime, contre la mort, la vieillesse, l’ennui
Enfermés dans le cercle de leurs pas
L’arbre et moi nous goûtions feuille à feuille
l’instant arrêté bien que l’horloge au ciel
ait continué de battre sans éternité