Brutalement, mon moi s’est dressé
Un peu amaigri, dépeigné, crouteux
Les lunettes en épave sur un bout de nez creux
Le cheveu sale, l’œil doux et inquiet
Ses grandes mains branchues
séchant sur ses genoux
Je dois l’avouer, j’ai eu bien de la peine
à reconnaître dans cet épouvantail
l’ombre de ce que je n’étais plus
Assise sur un fauteuil inconfortable
Je m’étais efforcée de faire bonne mesure
bonne figure, à m’entendre museler ma parole
et voilà que ce squelette ardent et tenace
m’a rappelé soudain ce que je n’étais plus
Que vaut la parole qui n‘est pas pesée
au milligramme près dans la balance de son moi ?
Qui consent à tenir sa langue mesurée
Qui enfin tend à se taire ?
Alors je me suis tue et j’ai cédé ma place
à ce moi efflanqué pour qu’il reprenne droit
Assis tranquillement à sa juste place
Il m’a simplement dit que lui, c’était bien moi
Et a souri en regardant par la fenêtre
de ce sourire qui efface bien des combats
(retour d’Ithaque)