Ce que j’aurais inventé de ce temps capturé et donné
Ce que j’aurais retrouvé dans un horizon clos
Ce que j’aurais imaginé au milieu de mes livres
Ce que j’aurais égaré derrière mes rideaux
Si je le racontais sur une feuille pliée
Un morceau de papier caché dans la rainure
Du parquet qui supporte ma villégiature
De féline enfermée sous un toit déconfit
Tiendrait en peu de mots :
Je ne veux pas écrire que j’aurais passé
Ces heures confisquées à me plaindre de tout
J’ai donc pris rendez-vous avec quelques amis
Je note au téléphone leur ton assez surpris
Lorsque je viens, joyeuse, quérir de leurs nouvelles
On se parlait sans s’écouter, on se regardait sans se voir
On se promettait sans y croire qu’on tiendrait ensemble le coup
Moi, je ne veux pas baisser mon col sous la férule
Je ne veux pas me parjurer, je ne veux pas être en dessous
De la ligne où le ciel dessine son futur
J’ai donc pris rendez-vous avec d’énormes livres
Qui prennent la poussière sur un bas rayonnage
De beaux ouvrages posés sur le lutrin improvisé
D’un guéridon joyeux couleur d’herbe au printemps
J’ai donc pris rendez-vous avec la musique
Et quand elle danse avec moi et fait mes cheveux fous
Je pense que j’ai si peu écrit et que c’est doux
De laisser la place à la parole dite
À l’onde qui modèle, encore que mécanique,
Le temps, cet impatient, que notre ennui dépite
Le temps, cet impatient, qui es plus fort que nous