Dans mon lit citadelle, je ne dors pas
La nuit, grande muette, s’est lassée de moi
Mes draps retranchés de veille soumise
Abritent un grand fantôme las
Dans la rue où ne passent que de vains rebelles
La coulée des rêves ne se répand pas
Il n’est que l’écho d’une dure semelle
Qui marque minuit de son sombre éclat
Dans un pot mutique une fougère maigre
Étage ses hautes frondes
L’ombre de ses cheveux sur le plafond allonge
Tignasse de sorcière et bras de scrofuleux
J’ai cueilli tout hier des poignées d’herbe
Dont le parfum habille ma maison
Je rêve de ton profil de chimère
Beau paysage de bois profonds
Je rêve d’un rire-rivière
Portant mon pauvre lit-bateau
Demain je marcherai en rond
Je pencherai à la fenêtre
Un dos de chat bien en aplomb
Pour faire peur aux deux pigeons
Qui gîtent sans nulle garde
Sur le grand feu de veille rouge
La nuit, je ne dors pas
Mais rien ne bouge