Face à la nuit
les coudes sur la table
je pense aux voyages que je ne fis pas
Je devais voyager au pays des cigales
puis écouter la mer battre de vieux remparts
je devais monter à l’assaut des montagnes
et chanter, à Vienne, des airs d’autrefois
Mais sur le seuil ouvert dans la brèche du temps
là où un paillasson revêche et hostile
enfouit sous les chaussures des regrets vaniteux
je regarde partir, sans mot dire, le cœur creux
ceux dont j’attendais la main
Il faudra bien, pourtant qu’à la fin, je m’éloigne
à grands pas de ces rêves fragiles et hésitants,
comme un vieux soldat rompant avec la trêve,
qui remet à ses pieds ses semelles d’errant
La nuit se moque bien du sommeil qui me fuit
Elle mord à petites dents les heures qu’elle morcelle
et hachure à mes pieds des rayons inquiétants
Il est 5 heures
Un homme en noir veille
Dans la maison d’en face une lampe blêmit
Je m’abandonnerai au soleil
puisque se refuse la nuit