T’écoutes rien, Mimi

Il appelle sa femme Mimi avec un ton faubourien mâtiné d’accent lyonnais. Il parle fort, porte toujours le même pull à losanges beiges qui peine à contenir un ventre proéminent. Il houspille sa femme qui pousse le chariot et pose les achats lourds sur le tapis, retourne en grognant chercher du mauvais vin qu’elle a oublié « t’écoutes rien Mimi, t’écoutes pas quand j’te parle ! ». Elle tend au-dessus de son masque un regard apeuré et usé, elle répète en écholalie la fin de ses mots à lui. Il l’écarte, toise la jeune caissière, lui dit d’un ton à gifler « combien ça fait ma grande ? », introduit d’un geste large sa carte dans la machine, se fend d’un « allons-y, allons au zoo ! » qui le rend visiblement heureux. Mimi collecte les courses « pas comme ça Mimi, mets les trucs lourds là-bas, voilàààà ! ». Évidemment, il se retourne vers la jeune femme qui n’a pas pipé mot, lui lance à nouveau « Voilà ma grande !» d’une voix de stentor et suit sa femme qui trotte déjà vers l’escalator. Sans l’entendre, je vois le masque de la jeune femme gonfler légèrement sous le flux d’un soupir de soulagement. Nous nous regardons, elle me sourit, nous nous sommes comprises.

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
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