Vivre !

Les murs, ici, respirent de mille façons
par cent fissures, cent craquelures, cent soupirs
cent bâillements de vieux parquets vermoulus
Rien ne se tait, la nuit dans sa veille entend chaque bruit
Ce sont les pas du temps qui frôlent les tapis
Sous la porte, parfois, un grand souffle amène
d’humides frissons enhardis à glisser sur mon dos
Ici, autrefois, des tisserands, des cousettes, des chapeliers
des passementiers oubliaient qu’ils vivaient encore en Dauphiné
et s’éborgnaient les yeux et courbaient leurs vieux os
courbattus de laborieuses douleurs
D’autres ont remplacé dans les immeubles bon marché
ces classes que le travail n’en finit pas d’user
Et moi parfois je trône et je traîne et je règne
en peignoir, en cheveux, savatant à grands pas
à folle danse libre le vieux sol éreinté
Je célèbre, j’incante, je chante et je crie
à gorge déployée pour ceux qui se taisaient
sous le joug des contremaîtres
Je suis une pauvre reine, mais une vraie maîtresse
de sa glorieuse destinée : vivre sans baisser la tête
vivre sans cesser de penser

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
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