J’étais tellement sérieuse ce matin-là
Tellement ancrée à quelque chose
De caillouteux, rugueux, râpé, étanche
Que le temps lentement s’est cristallisé
Autour de moi
Sur les meubles, les tapis, dans les assiettes
Sur le miroir il s’est figé en longues traînées
Pareilles à des larmes de bougies
Je me mouvais en silence
À l’intérieur d’une toile blanche
Je ne pouvais pas sourire
Et c’était idiot car au-delà
Me parvinrent des rires
Des voix, comme si l’escalier
Respirait, que toute la maison vibrait
Que les marches soulevaient des pas
Moi seule je restais sans musique
Croulant sous mon propre poids
Et c’était idiot car à cet instant
Je reçus une photo d’un mien fils
Et c’est mon regard que j’ai vu
Mon regard, mon profil et même
La raideur de mes cheveux
Quel étrange effet
Et pourquoi n’en avais-je rien vu avant ?
Lentement, le temps s’est remis à couler
Sur les meubles, les tapis, les assiettes
Il a fondu et serpenté et moi
Je ne souriais toujours pas
Et c’était idiot car la vie en dedans
Secouait ses breloques
Et piquait ma poitrine et soulevait
Mes bras et perçait, de moi,
La grande armure
