Dans ma pratique de correctrice, j’insiste toujours sur la nécessité d’échanger longuement et en préalable de tout travail. Une commande de correction représente tout à la fois un budget à dépenser et un investissement moral : le correcteur engagé est-il la bonne personne ? Comment se passera la restitution des travaux ? N’y aura-t-il pas de mauvaise surprise à l’arrivée ? À force d’utiliser des correcteurs automatiques sur leur poste de travail, beaucoup oublient également que la correction, surtout lorsqu’elle s’enrichit de reformulations, n’est ni une mécanique qui pourrait fonctionner sans s’arrêter pendant des heures, ni une science exacte. Pour certains, il s’agit à peine d’un travail au motif que tout le monde sait (à peu près) écrire. Pour d’autres et malgré leur demande, les retours sur leur texte ébranlent l’image qu’ils avaient d’eux-mêmes et, lorsqu’il s’agit de personnes qui ont l’habitude de diriger, le processus peut titiller désagréablement leur ego. Mais tout cela peut se résoudre sans difficultés si le correcteur conjugue sa conscience de ses propres limites (il n’est pas infaillible, il reste un apprenant perpétuel) avec le respect et la bienveillance dans sa pratique. Au fil du temps, cette attitude m’a permis de nouer des relations très fertiles et à désamorcer souvent ces fameuses crises de l’écriture (stress, peur de ne pas y arriver, contraintes de temps et de format) qui peuvent paralyser soudainement la personne la plus motivée pour écrire. Étant auteur moi-même, notamment de poésies, je peux en effet partager de l’intérieur ce qui pour d’autres pourrait tenir de la pause ou de la mauvaise excuse.
Par contre, lorsque ce lien de confiance et de bien-être minimal ne me semble pas installé, j’aiguille toujours la personne vers un autre correcteur qui sera plus proche de son mode de fonctionnement. Ainsi, un partenariat riche et fécond peut aboutir au résultat qui était escompté, ce qui reste l’essentiel.