J’ai senti dans ses murs comme une vie oubliée
L’ombre douce gainait les meubles d’un ennui ductile
Sous les lampes bourgeoises, des tissus chamarrés
disaient le soin et la contrainte
Dans la cuisine aux volets clos, des placards
exhalaient des senteurs de campagne
Tapissé, l’escalier conduisait à des chambres
dont j’ai préféré le mystère et les portes closes
Dans le salon, dormait un grand piano noir
et de lourds rideaux jetaient leurs reflets sanguins
Dehors, un jardin clos montrait sa chevelure
dépeignée et fructueuse entre de grandes haies
J’y respirai une rose unique, d’un jaune délicat
et au parfum subtil, j’en ai la souvenance
Au loin, la Marne étalait ses flots et ses rameurs
et les quelques vestiges d’un glorieux passé romain
Et je me suis sentie réconciliée, adoubée par ces lieux
que j’avais tant aimés, propulsée sur les chemins de l’avenir
avec dans ma main, l’empreinte de la femme que j’ai alors été
