J’ai dormi, spartiate, sur un grand tapis bleu
avec le visage de la nuit penché sur moi
J’avais pour me couvrir un peu d’herbe et de mousse
et le grand abandon qu’autorise le noir
Jamais je n’ai aimé l’été et ses tenailles
de grande ardeur faucheuse de tous les vouloirs
ni les plages obturées de chair brûlante
ni les sites abîmés d’une humaine présence
Je suis la sauvage que la nuit vient cueillir
quand tout dort
Je suis la sauvage qui part à l’aube
découvrir les rues oubliées
où des rideaux pudiques abritent leur abandon
Pourtant je partirai, à mon tour
et j’ôterai un à un mes habits de sérieux
d’austère gravité et d’application féroce
pour gambader dans un champ avec des jambes
de petite fille
Et puis, quand reviendront le joug et les heures
mangées de travail
je me dirai comme toujours
Qu’as-tu fait de cette vie ?