Je reste accrochée comme une plume
à la question suivante :
quand est-ce que le premier hominidé
a formulé
dans ce qui lui servait de langage
ce sentiment conquérant et premier
d’aimer un autre, d’aimer tout simplement
d’aimer plus fortement qu’il ne tenait à sa peau
à son abri, à ses trophées, à ses os
à son désir de rester en vie ?
C’est un mystère car je connais fort peu d’amour
qui ait été digne de ce nom
fort peu d’amour qui ait tenu plus que quelques saisons
fort peu d’amour qui ait eu de l’allure, du panache
de la force et de l’audace, de l’authenticité, de la classe
fort peu
Et pourtant cette expression que pour ma part je goûte si peu
dite et écrite avec répugnance
ce mythe, cette illusion, cette croyance dure
sous les étoiles du nord au sud et du sud au nord
Peut-on être sans aimer, ne serait-ce qu’un chat
un oiseau, un porte-clef, un livre, une paire de chaussures ?
Et quand il ne reste rien à aimer
redevient-on sauvage et sauvagement libéré de tout ? Quelle étrange question !