Pourquoi je ne veux pas être gentille…petite philosophie dans le boudoir, acte LVII

Il paraîtrait qu’aujourd’hui, c’est la journée de  la gentillesse. Cela prête à rire, évidemment,  dans un contexte remâché de crises, de rancœurs et de revendications multiples ; néanmoins, je m’attendais à ce qu’une armée de bonnets roses défila en désordre dans ma rue ; rendez-vous raté, je n’ai vu qu’un pigeon mélancolique, un chat poussiéreux, entendu une dispute violente entre deux conducteurs, et soupirer une mienne voisine parce qu’aujourd’hui, il fait froid. Regardant sans mélancolie cette fois mon absence de calendriers sur le mur (je déteste les calendriers), je me suis dit qu’on allait vite avoir une grosse pénurie de jours ; 365 jours seulement pour honorer  de nobles causes, ce n’est évidemment pas suffisant. Je propose donc qu’on mette aux voix le projet de découper les jours en heures, puis en minutes etc., chacune dédiée à un truc méritant : la demi- journée des chats à poils longs, le matin du poireau, la minute de la bonne conscience  (plus ça serait trop fatiguant), la seconde de la procrastination (pas besoin de plus, tout le monde sait faire), etc. Ca laisse une bonne marge.

Revenons à la gentillesse. M’examinant sur mes coutures les plus favorables (profil droit, le gauche est plus méchant), je me suis demandé si j’avais en moi une once de vraie gentillesse ; Garantie 100% pure et non dégraissée…Réponse ? Pas de réponse ! Je suis bien incapable de  juger de ce que c’est que ce truc-là.  S’il n’existe pas spontanément, je suis forcément exempte de gentillesse, si je le provoque, je triche ! Bref, quel ennui ! Au final, et en l’absence d’une vraie solution (je ne vais quand même pas questionner mes proches, qui me garantit qu’on me dirait la vérité ?), je me suis dit qu’être gentil n’était pas vraiment important.  Si je me réfère à l’étymologie du mot, le gentil à l’origine, désignait la tribu, la race, être du clan, en être, quoi ! Notion Ô combien suspecte à mes yeux, moi qui déteste autant bêler avec les moutons que hurler avec les loups. Pas de quoi donner envie, non, vraiment ! Si au moins on avait proposé la journée du doute salutaire, là, je me serais sentie chez moi ! Mais là, impossible d’adhérer, d’autant que ces journées me font un peu l’effet des pratiques exutoires d’autrefois, comme le mardi gras où on s’autorisait toutes les débauches pour mieux supporter ensuite le carême ! Imaginez un peu ce que ça donnerait si on appliquait  stricto sensu la journée de la gentillesse : tiens mémé, t’ai apporté ta tisane et des bonbons, mais demain, t’inquiètes, fini la gentillesse, ha ha !

Chiffonnant donc avec hargne le bonnet rose en papier toilette que j’avais fabriqué à la hâte, je me suis donc décidée à n’être que moi-même pour le reste de la journée. Parce qu’en plus, avec tout ça, je n’ai pas fini de travailler : décidément, ce n’est pas mon jour !

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
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7 commentaires pour Pourquoi je ne veux pas être gentille…petite philosophie dans le boudoir, acte LVII

  1. Antonio dit :

    Gentil, c’est vraiment le mot le plus plat que je connaisse. Si ce mot se mangeait il n’aurait aucun goût pour moi, comme l’hostie à la messe.

    « tiens je t’ai amené des bonbons »
    « Comme c’est gentil ! »
    Vous entendez comme c’est plat ?
    « tiens je t’ai amené tes chocolats préférés »
    « Haaan !!! … non ! … whaaaaa ! … t’es génial ! … laisse moi t’embrasser ! … » 😉

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    • Phédrienne dit :

      Bonjour Antonio
      Je vous avoue que je ne partage pas la conception classique aujourd’hui de ce mot, qui confond gentillesse avec imbécillité. Et une surenchère de superlatifs accolée à un geste de …gentillesse simple, ne me conviendrait guère non plus (bon, je sais, je suis pénible !). Néanmoins, cette manie d’ériger tout et n’importe quoi en emblème à fêter est exaspérante et produit le contraire de ce qu’elle promeut : penser à être gentil (ou tout autre chose ) une fois de temps en temps…et être odieux le reste du temps !
      Bon cela dit, j’avoue que je fais des OHHHHHHH et des HUMMMM, quand on m’offre du chocolat ( mais je ne dis jamais non !)!

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  2. C’ n’est peut-être pas ton jour (d’ailleurs il est fini) mais ton billet me comble de joie… la vraie !
    Je tombe des nues : la journée de la gentillesse ????????????? Et pourquoi pas celle de la méchanceté, pendant qu’on y est…
    Tu as si bien décrit cette absurdité que je n’en rajouterai point…
    Partante pour la minute de la bonne conscience (plus ça serait trop fatiguant) 😀

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    • Phédrienne dit :

      Bonjour Elisabeth
      Je crains fort qu’il ne nous faille nous habituer à d’autres inepties lénifiantes, de ce côté là, l’inventivité ne manque pas ! Je note que la journée mondiale de la bêtise n’existe pas, pourtant, ça devrait intéresser du monde 🙂 ; Merci pour ton rire !

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      • RvB dit :

        Je le crains également…
        Mais trouver un écho, même tardif, voilà de quoi oublier ces bêtises, merci !

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  3. Phédrienne dit :

    Pour Hervé
    Et bien, nous somems quand me^me quelques uns à résister 🙂 ! ,

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  4. RvB dit :

    Fort heureusement oui, quelques uns préfèrent les herbes folles à celles qui, trop piétinées, n’ont pas de saveur ! 😉

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