« la vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c’est la littérature »
Marcel Proust
J’ai coutume de dire que mes parents ont été multiples. Rencontre flamboyante à l’aube de mes six ans, la littérature en son sens le plus large, a été le choc frontal de ma vie d‘enfant précoce. Des milliers de racines se sont ainsi tissées, remplaçant très avantageusement celles, familiales, auxquelles je ne pouvais prétendre. Et que je pouvais moins encore, accepter.
On pourrait tirer de la citation de Marcel Proust une interprétation bien réductrice ; un homme papivore et écrivain maniaque, vivant une pure virtualité, une fausse vie. Ce n’est certes pas ainsi que je l’analyse, moi qui comprends de façon très intime à quel point la chair et l’âme de cet écrivain sont devenues son œuvre même, par une forme rare de transsubstantiation, A quel point ses personnages sont plus vrais que nature, et issus de la vie même, celle foisonnante, grouillante et hétéroclite qui gravitait autour de lui, dans sa vie extérieure. Et de même qu’il savait restituer avec minutie, humour et une intelligence cruelle et aiguisée les traits de ses personnages, il a fait des lieux cultes de son œuvre (Guermantes, Balbec), d’autres personnages majeurs, pleins de vie, à jamais cartographiables dans l’imaginaire collectif.
A la recherche du temps perdu est plus une re création de monde qu’une nostalgie. Et c’est ce qui donne à ce monument resté inclassable son aura particulière.
Les livres alors, et la crainte qu’ils génèrent, souvent : tu lis trop, tu vas t’abimer les yeux, tu ne vis pas dans le monde, les livres, ça ne dit pas le vrai ! Pourtant, étrange paradoxe, les livres sont les seuls qui ne m’aient jamais menti, jamais trahie ; parce que la lecture, plus qu’un acte de dévoration, est un acte de digestion lente, de traduction et d’appropriation. Et les mots deviennent le terreau où se crée l’imaginaire, d’où d’autres mots naîtront.
Confrontée à une vie dure et très particulière, la vie réelle ne m’a rien enseigné que les livres n’aient pu me montrer, et j’ai plus appris sans m’en rendre compte, m’imbibant avec plaisir et sans efforts aucuns des mille pépites de savoir et des mille voyages que j’y ai fait, que sur les bancs d’une école ou auprès de doctes personnes. J’y ai aussi goûté un plaisir unique, littéralement (c’est le cas de le dire) orgasmique : le bonheur complet devant l’harmonie des phrases, leur musicalité et leur couleur, et ce flash incroyable quand tout à coup, devant un passage ardu, un concept, la lumière se fait et inonde le cerveau en un éclair ! A l’égal de la musique et de tout autre art, la même émotion esthétique, gestaltique, vous saisit et vous emporte !
Et ce sont les livres qui, loin de m’isoler dans ma prison, m ‘ont ramenée à la vie des autres, à exercer à mon tour écoute, observation, imprégnation des strates du réel ou supposé tel, pour écrire à mon tour et participer, tellement modestement, à ce rayonnement circulaire, cet anneau de mots qui signe l’humain aux côtés d’autres choses.
Il y a tellement de façons d’être vivant, tellement d’outils dont on peut se doter qu’un livre est à la fois un tout et un rien. Aussi n’entre –t’il pas dans mon écrit de faire du prosélytisme délirant ni même du zèle ! Juste de partager et de fêter, ce qui chez moi, a été une seconde naissance…
Coucou Phédrienne ,deux vidéos à voir si tu ne les a déjà vu !
Elles sont géniales , bises
Nouvelle technologie révolutionnaire !!!
Le papier ne sera jamais mort / Paper is not dead !
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Longbull
Tu es décidément plein de ressources et de trouvailles ; J’adore la première qui est tellement pertinente et la seconde est bien trouvée aussi !
Merci beaucoup pour le partage !
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Et dire que petit on n’a cessé de me rabâcher qu’il fallait manger de la soupe pour être grand. Jamais, ni mes parents, ni mon toubib, ne m’ont dit qu’il fallait lire pour être vivant. Aujourd’hui je suis à la recherche du temps perdu et votre article m’a conquis et m’a donné envie de lire Proust.
Ben, non.. si vous saviez tout ce que je n’ai pas lu ! … un drame autant qu’une chance que vous n’avez plus 🙂
Merci pour ce billet vivant !
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Bonjour Antonio
Il ne faut pas, mais on peut ! Et la somme de livres que je n’ai pas lus est absolument colossale mais ce n’est pas important ! C’est ce qu’on choisit, élit en lecture et surtout ce qu’on en ressort, exprime, comprend qui compte. Et puis, vous savez, j’ai un mot de prédilection, moi ! C’est une chose minuscule, une petite conjonction de coordination (joli mot la coordination) et qui s’appelle ET ! On peut donc grandir en mangeant de la soupe Et en lisant OU ( qui n‘est pas mal non plus) en faisant tout autre chose ; A chacun de choisir ce qui lui est essentiel, j’ai juste partagé une des nombreuses choses qui l’est pour moi… 🙂
Merci pour votre réponse, qui ne l’est pas moins, vivante !
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Je me suis entièrement reconnue dans ton billet, Colette…
Enfant, pas choyée, je me réfugiais dans les livres, ainsi, j’ai appris à lire très tôt et cette passion ne m’a jamais quittée, ni trahie.
Une journée sans lire est une journée incomplète…. et j’adore Proust
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Bonjour Elisabeth
Je suis heureuse de nous retrouver une fois de plus en convergence. Merci, Elisabeth !
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Là où mes proches comme mes professeurs ont échoué, la vie y a réussi, mais elle aura mis le temps, et tout comme Antonio, je n’ai jamais lu Proust et suis « à la recherche du temps perdu ». Une lacune que cet excellent billet me donne envie de combler.
Merci pour ce partage de vie.
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Bonjour Hervé
Je pense que tous les chemins sont bons pour arriver là où on veut; le tout, c’est de vouloir, justement ! Et j’ai surtout voulu rappeler, que lire, ce n’est pas amasser une somme encyclopédique ou un savoir de perroquets, c’est effectivement une façon de vivre ou plutôt d’être à la vie! Donc, tout le contraire d’un truc poussiéreux ou cloisonnant; Quant à Proust,, c’est un voyage long, parfois éprouvant surtout à une époque où on ne prend pas le temps des choses; mais c’est aussi un monde merveilleux,avec une exquise maîtrise de l’écriture et une sensibilité incroyable.
Merci à toi..
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Merci de me faire découvrir proust.
entre moi et les livres il y’a une longue histoire d’amour que j’ai hérité de mes aïeux paternel, je me souviens quand j’étais petite je passe des heures et des heures dans la bibliothèque de mon père sans jamais me lasser, les livres étaient mes meilleurs amis, ils me donnaient une compagnie enrichissante, et pleine de plaisir, je ne lis pas tout par contre, il y’a des style d’écriture que je préfère a d’autre, j’aime beaucoup le votre.
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Bonjour Anonymous
Merci beaucoup pour ce témoignage porteur d’émotions; Comme vous le dites, les livres, c’est une histoire d’amour! Une bien jolie déclaration !
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Tu as un don, une manière d’exprimer les sentiments, de transmettre des émotions comme personne. Je suis d’accord la literature est une façon de vivre. J’adore Proust.
Magnifiques les deux vidéos.
Bisous.
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Barbara,
Merci pour ces mots touchants, j’essaie d’être en résonance pour que ces ondes du net soient porteuses d’énergie créatrice, et de sens, tout comme toi !
Bisous
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