« Dans le ciel flottaient de blancs et turbulents nuages comme on n‘en voit qu’en mai et juin-ces compagnons toujours jeunes et volages, qui courent en jouant sur la piste bleue pour se cacher soudain derrière de hautes montagnes, qui s’embrassent et ensuite se fuient, qui tantôt se chiffonnent comme des mouchoirs et tantôt s’effilochent en bandeaux et qui, finalement, comme pour faire une niche, mettent sur la tête des monts de blancs bonnets. »
Printemps au Prater – Stefan Zweig
Cette jolie phrase simple et fluide, si harmonieuse, je l’ai relue plusieurs fois ; m’enchantant des images qu’elle faisait naître à l’instant dans mon esprit comme si on ‘y avait allumé une lampe magique, déroulant à l’intérieur de ma tête des paysages légers, colorés et presque réels.
L’élégance verbale de Stefan Zweig, son aréopage de personnages issus d’un monde ancien, révolu, peut paraitre surannée, superfétatoire, inutile peut-être et pourtant…Il y a dans ces nouvelles courtes, à l’architecture maîtrisée, une puissance évocatrice, une psychologie fine des personnages qui les rend présents et éternels. La suggestion y est si intense qu’elle provoque de l’émotion et presqu’une forme de nostalgie pour un univers disparu, dont l’apparenter douceur, la trompeuse frivolité cachent et révèlent à la fois toute la complexité de l’âme humaine et ses secrets déchirements.
La sensibilité extrême de l’auteur, lequel ne survivra pas on le sait à l’avènement d’une Europe guerrière frappée de nazisme et de nationalismes cruels, transparaît à chaque épithète soigneusement choisie, s’infiltre derrière chaque état d’âme décrit, d’où l’ironie subtile, la précision au stylet ne sont pas absentes. Et l’auteur devient sans encombres les deux enfants révoltées de La gouvernante, le petit garçon trahi de Brûlant secret, et tour à tour chaque homme, chaque femme de son imaginaire, devenus par la grâce de son talent, de vraies personnes qui s’ancreront dans nos souvenirs. J’envie ce pouvoir fin, cette patte personnelle, aérée et texturée qui pose une écriture aussi élégante que vraie.
Mais au-delà, cette phrase élue parmi tant d’autres, pour le charme qu’elle a déclenché sans efforts, ancre en moi, dans ma tête aussi bien que dans mon cœur, ces racines profondes que chaque livre aimé y a semées, et qui m’ont donné à jamais le goût d’écrire…
Une force évocatrice qui n’est pas sans raviver des souvenirs, en effet !
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On ne peut pas oublier monsieur Zweig ! Merci Hervé !
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Un de mes écrivains préférés
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