Le vrai du faux…petite philosophie dans le boudoir, acte LXXXIX

réduitDepuis que je me suis décidée à faire publier mes œuvrettes et à montrer aussi mes photographies, j’ai dû fourrer le nez à maintes reprises dans un débat récurrent autour de ces deux pratiques : écriture fictionnelle et photographie.

En dehors de l’éternelle querelle des anciens et des modernes (argentique contre numérique, développement d’image ou retouche photographique, nouveau roman dégraissé contre lyrisme suranné) se joue un autre combat autour d’un concept étonnant : distinguer le vrai du faux.  Il y aurait donc tout autour de nous de vrais et de faux écrivains, de vrais et de faux photographes. J’ai donc cherché assez assidûment à me repérer parmi les différents critères évoqués ici et là par des gens à l estampille douteuse malgré tout : après tout, qui peut me confirmer que tel ou tel (à commencer  par moi-même) n’est pas un spécieux, un usurpateur plus ou moins conscient de l’être ? Qui a délivré le satisfecit ? Je n’en sais rien.

On ma objecté souvent qu’il existe des arguments tangibles : les ventes, les concours, la notoriété, les prix littéraires, la présence dans les salons et autres. Pourtant, là encore, difficile d’y retrouver son cochon si je puis dire : à partir de quel chiffre de vente, de quelle cotation est-on réputé avoir satisfait aux critères d’intronisation, peut-on juger qu’un concours  vaut tous les autres, que tous les prix sont également prestigieux, où se situe donc le fameux barreau qu’il faut atteindre pour devenir vrai ?

D’un photographe à l’autre, d’un écrivain à l’autre, d’un expert à l’autre, la réponse varie évidemment au gré des intérêts et des chapelles de chacun, Avec une tendance commune, toutefois : le faussaire, c’est toujours le voisin. Le photographe nature qui appâte ses sujets pour les attirer là où il veut mais ne retouche pas ses images, vous dira en toute bonne foi qu’il est un vrai photographe nature, au contraire de ceux qui recadrent, redressent la lumière, etc. L’écrivain rebelle facile contempteur des distinctions, s’empressera de signaler tel article, tel couronnement signalé de son œuvre (ou de celle de son ami), parce que là, n’est-ce pas, ce n’est pas pareil. Le même, qui se sera appuyé par exemple sur un fait divers ou telle vie célèbre pour rédiger son œuvre (ce que je ne condamne pas, les exemples sont légion, mais on peut donc se demander où est la frontière entre écriture fictionnelle et une forme romancée de biographie), n’aura pas de mots assez durs pour pourfendre l’autre (entendez par là l’autre qui récolte un succès), accusé de « surfer » sur une mode quelconque. Dans tous les cas, le malheureux public, suivant qu’il adhère à votre talent ou se tourne vers d’autres sources, sera vilipendé pour sa passivité, la vulgarité de ses goûts, sa bêtise ou son ignorance et voilà le tour joué ! Le panthéon des incompris, des martyrs, des justiciers et des zélateurs de la vérité est donc fort bien pourvu comme on le voit !

Restent quelques innocents parmi lesquels j’avoue figurer : ceux qui s’essaient à faire du mieux qu’ils peuvent ce qu’ils aiment sans trop se soucier de figurer au firmament. Cela peut sans doute passer pour un manque criant d’ambition mais il me semble seulement que toute cette agitation est vaine : qui fouille dans les greniers et dans les brocantes, qui traîne chez les bouquinistes s’avise rapidement d’une vérité intangible : le temps fait le ménage et les génies d’hier et d’aujourd’hui ne seront pas forcément ceux de demain. Il arrive aussi que le temps répare des oublis fâcheux : j’ai adoré une anecdote recueillie dans le magazine Fisheyes, je crois, et qui relatait la sortie du néant d’un photographe noir et blanc dont les œuvres  oubliées dans un vieux tiroir ont été repérées et ressuscitées par un collectionneur d’art.

Tout cela a de quoi rassurer et surtout faire sourire la bricoleuse de mots et la jardinière d’images que je suis : que je sois vraie ou fausse, ma passion et ma joie de faire sont là…

 

 

 

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
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2 commentaires pour Le vrai du faux…petite philosophie dans le boudoir, acte LXXXIX

  1. Antonio dit :

    Il y a bien longtemps que je me suis défini comme écrivain par la simple définition de celui qui assemble des mots pour en faire un tout (si le mot oeuvre dérange), tout comme enfant j’assemblais la neige, la roulant, la tassant, la sculptant pour en faire un bonhomme, remplaçant la carotte par une pierre improbable à la forme d’un nez de cochon…

    Un bon écrivain se définit simplement par deux yeux qui s’émerveillent en vous lisant.

    Vendre est un autre métier, souvent exercé par une tierce personne qui vous amène au bon endroit au bon moment avec votre oeuvre toilettée et habillée au goût des gens qui vous reçoivent… un autre monde où les yeux ne s’émerveillent plus mais comptent.

    Il n’y a de faux écrivain que celui qui n’écrit pas, celui qui recopie le travail d’un nègre…

    J’écris, donc je suis… écrivain !
    Je photographie, donc je suis… photographe !
    Point. 😉

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    • Phédrienne dit :

      Bonjour Antonio
      Je reconnais bien là la fraîcheur de pensée qui vous caractérise et vous remercie d’avoir réagi à ce sujet disons, compromettant ! Je partage donc votre analyse ainsi que le sourire induit qui l’accompagne et qui perce à travers vos mots !

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