C’est long, dix ans pour apprendre à sourire tout seul ou quasiment. Tout seul parce qu’un apprentissage essentiel m’a manqué il y a longtemps. Celui du regard vigilant, bienveillant, heureux de vous voir naître, accueillant dans la joie. Qui n’a pas ce viatique peine à avancer et se prend les pieds dans les ornières ; je réfute d’ailleurs à l’avance tous ceux qui me diront que la souffrance construit ! Elle fait mal et puis c’est tout, parce qu’elle prend rapidement trop de place et vous égare loin.
C’est tellement difficile de s’accepter dans une solitude quand le monde ne vous paraît pas convergent que la tentation est de vous laisser prendre par quelqu’un d’autre, emmener dans un courant. Remplacer un vide par une tutelle dont il faut toujours se défaire à un moment ou à un autre.
J’ai toujours gardé en tête l’image de mes enfants accomplissant tout seuls leurs premiers pas. C’est une expérience hypnotique et fascinante parce que tout-à-coup le monde leur appartient, les portes s’ouvrent et les jardins ! Vers ce sourire, il m’a fallu ces derniers temps réapprendre à marcher, et c’est pour cela que je le partage, sereinement.